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Le probléme de l’eau au cœur d’une rencontre à Erfoud (29 et 30 mars)

Indépendamment des crues violentes et des pluies fréquentes de cette  année, le problème de l'eau reste crucial à Erfoud et dans le Tafilalet ; un colloque , fin mars, y a été consacré ; à lire ci après, le compte-rendu du journal "L'économiste"... 

"L’eau est source de vie et de tout développement économique et social. La problématique de sa rareté est, une fois encore, au cœur du débat national sur l’eau, qui mobilise acteurs locaux et régionaux, ONG, chercheurs, organismes internationaux les 29 et 30 mars à Erfoud. Placer ce débat sur l’eau dans un espace qui en manque terriblement, le bassin de Ziz, a pour objectif, selon les organisateurs, de tirer la sonnette d’alarme sur l’équilibre oasien et les menaces qui pèsent sur cet espace écologique fragile et qui risquent d’hypothéquer, à terme, son développement. «Cet espace oasien a été construit au cours de plusieurs millénaires. Aujourd’hui, il se trouve dans une extrême fragilité qui interpelle tous les acteurs afin qu’ils conjuguent leurs efforts en vue de leur sauvegarde. L’un des principaux facteurs ayant contribué à la situation critique que vit l’espace oasien est bien la gestion non durable des ressources hydriques », indique-t-on. A cela s’ajoute, des conditions climatiques difficiles avec notamment une pluviométrie aléatoire, mal répartie dans l’espace et dans le temps, des températures élevées, l’ avancée du désert, les cultures inappropriées et des populations rurales dépendant essentiellement de l’agriculture et qui, malheureusement, voient leurs terres se dégrader d’année en année du fait de la sécheresse et de la salinisation. Mobiliser l’eau, la transporter, la stocker, puis l’utiliser dans un souci constant d’économie, ce fut certes la tâche que les habitants de ces écosystèmes complexes surent mener à bien. Aujourd’hui, malgré ses efforts, un constat sans concession, selon les experts du domaine, met à jour les dysfonctionnements qui menacent l’existence même des oasis: l’équilibre entre l’être humain et la nature qui façonnait la société oasienne a été rompu. «On a multiplié les pompages dans les nappes des vallées du Ziz à travers les puits privés qui ne sont pas contrôlés, si bien que leur niveau moyen s’est abaissé de près de sept mètres durant les vingt dernières années», ajoute-t-on. Au demeurant, si ces tendances se poursuivent au rythme actuel, la mort lente des oasis est déjà programmée.
Partant de là, le ministère de l’Aménagement du territoire, de l’Eau et de l’Environnement place la problématique de la sauvegarde des oasis au centre du débat national sur l’eau au niveau du bassin du Ziz et invite, lors de cette rencontre, tous les acteurs notamment locaux
à ne pas verser dans le fatalisme. Ce qui n’occulte pas l’urgence d’initiatives et stratégies pour valoriser chaque goutte d’eau et reconstituer les couverts végétaux dans cet espace à travers notamment des activités d’éducation, de sensibilisation environnementale et de mobilisation sociale. Le devenir des oasis passe incontestablement par l’avenir de l’eau. L’ensemble des acteurs sont appelés à sauver ce patrimoine en péril."


Source : Rachida Bami | l'economiste

· Crues, sécheresse, surexploitations…les principales causes

· Un plan d’urgence pour sauver les palmiers


Pour les participants au débat national sur l’eau à Erfoud, les 29 et 30 mars derniers, trois facteurs déterminants se sont conjugués depuis ces dernières décennies pour aboutir à la pénurie progressive et dramatique de la ressource hydrique que connaît aujourd’hui toute la région du Tafilalet. «Paradoxalement, le premier facteur fut la construction du barrage Hassan Addakhil, indispensable pour protéger la vallée du Ziz et la ville d’Errachidia des crues dévastatrices», indique-t-on. En effet, ce grand barrage par la captation des principaux écoulements du bassin versant amont, a limité fortement la recharge naturelle des nappes phréatiques en aval, et a conditionné les apports d’eaux au sud à travers un dispositif hydraulique favorisant fortement la perte hydrique.
Celle-ci fut évaluée à presque 50% avec une quantité amont de 118,5 millions de mètres cube (Mm3) au niveau du barrage et une arrivé en tête de périmètre à 62 Mm3.
Le second facteur concerne le cycle naturel de la sécheresse dans lequel s’inscrit toute la région depuis les années 80, avec des pics sur plusieurs années. Outre la réduction conséquente des apports pluviaux pour la recharge des nappes, c’est aussi le système du barrage qui est en cause, ne pouvant plus jouer son rôle régulateur avec des seuils situés bien en deçà des prévisions avec une moyenne décroissante depuis sa construction (en trente ans les restitutions ont toujours été inférieures à 100, avec des années 0, contre une moyenne annuelle initialement prévue à 140 Mm3).
S’ajoute à cela que le volume mobilisé est aujourd’hui bien inférieur à celui de la tranche morte du barrage (fixée à 20Mm3), et que le taux d’évaporation lui reste constant quel que soit le volume d’eau.
Le troisième facteur décisif qui a lui aussi fortement conditionné ce processus de diminution de la ressource hydrique est lié aux pratiques agricoles, qui ne se sont pas «adaptées» à la situation de pénurie et ont engagé les exploitants dans une course à l’eau d’autant plus aiguë que celle-ci commençait à manquer. De fait, le recours au pompage de la nappe fut alors massif, entretenant d’une part des systèmes d’irrigation aberrants écologiquement car fortement consommateurs d’eau avec des rendements hydriques très faibles (calculés à 40% de l’eau seulement qui profite à la culture), et pour conséquence rapide un épuisement des nappes phréatiques.
La hauteur de celles-ci encore estimée à moins de 3m il y a dix ans, atteint en moyenne les -20m dans tout le Tafilalet, avec des zones à -30, et une descente annuelle qui s’accélère aujourd’hui. Une conséquence de plus en plus visible de ce surpompage consiste en l’élévation graduelle des taux de salinité des eaux, avec des pointes à 8g/l.
Selon les experts du domaine, le Tafilalet a toujours été en milieu aride depuis qu’existent les oasis, et il a donc toujours été tributaire de faibles pluviométries. Les habitants avaient su réagir à cela en mettant en place des systèmes traditionnels performants, comme les khettaras par exemple. Il faut donc comprendre le problème actuel bien plus comme un problème d’inadaptation des pratiques modernes, que comme la résultante logique de la sécheresse. L’introduction de systèmes hydrauliques modifiant défavorablement les équilibres d’approvisionnement et d’utilisation de la ressource, et le développement d’une agriculture très peu efficiente quant à son bilan hydrique, avec des pratiques à taux élevé de gaspillage imposant des prélèvements toujours plus importants sur l’aquifère souterrain, ont précipité et amplifié les conséquences d’une sécheresse et surtout d’un climat dont l’aridité croissante semble être aujourd’hui une composante historique.
Le système d’approvisionnement en eau, autrefois tributaire des écoulements d’oueds, dont les crues, pour l’eau de surface et des puits et Khettaras pour l’eau souterraine, a fonctionné surtout lors de ces trente dernières années à partir du système des lâchers de barrage, à vocation à la fois agricole (irrigation) et écologique (recharge de la nappe). Avec la sécheresse mais aussi le manque d’entretien et l’intrusion de modes de gestions modernes, incompatibles avec le système séculaire de gestion de l’eau, bien des khettaras ne sont plus fonctionnelles (jusqu’à 60% de perte) et celles qui fonctionnent n’ont que de faibles débits (2-4 l/s).
Cette perte du système traditionnel a bien entendu aussi favorisé le développement du pompage de la nappe. Ce pompage est aujourd’hui en crise dans la plupart des oasis du sud soit par arrêt suite à la disparition de la nappe (70% des pompages concernés à Goulmima) soit avec de faibles dotations journalières (2h) et donc un faible débit. Le système traditionnel d’irrigation des oasis, avec ses canaux, séguias et autres conduites d’eau, avec ses innombrables détours et chevauchements, avec sa pratique de la submersion passive et gravitaire, favorise considérablement la perte par évaporation quand le débit devient faible, ce qui est le cas aujourd’hui dans la majorité des oasis du sud.
Dans le Tafilalet, les calculs démontrent aujourd’hui que seulement 22% du volume d’eau des lâchers profite aux cultures. «Ce gaspillage considérable a entraîné une situation de pénurie hydrique majeure, dont les conséquences immédiates pour la plupart des oasis du sud du Tafilalet (Taouz, Rissani, Erfoud, Jorf, Ferkhla, Goulmima, ...) furent l’abandon de parcellaires entiers, livrant des centaines d’hectares de palmeraie à une désertification et à une mort inéluctable», conclut-on.


Les palmiers menacés

Aujourd’hui le Tafilalet qui fut autrefois la plus grande région phoenicicole du Maroc, importe des dattes d’Algérie, de Tunisie ou de Syrie. Les fameuses dattes du Maroc, de réputation mondiale au 19ème siècle (Mejhoul, Boufeggous), ne représentent plus aujourd’hui qu’une portion très faible de la production locale, principalement composée de dattes de seconde et troisième catégorie le plus souvent hybrides (khalts ou Saïrs) et peu rentables. En plus de la maladie du bayoud, il existe un problème phytosanitaire dû à la présence de la pyrale.Pyrale dont l’importance dans le Tafilalet a fortement conditionné la dépréciation du produit, induisant un faible niveau de commercialisation pour la datte du Tafilalet. Enfin, sur le stock de palmiers existant, les arbres productifs ne représenteraient qu’un tiers du patrimoine sur pied. Tous les experts invitent aujourd’hui à se pencher sur le cas des palmeraies du Tafilalet. Pour eux, un plan d’urgence s’impose.


Source : Youness SAAD ALAMI | L'economiste
04/04/2007

Version imprimable | Actualités Erfoud | Le Lundi 09/04/2007 | 0 commentaires | Lu 929 fois