...Arrivé en train la veille, au petit matin, dans cette ville enrobée de brume océanique, il ne savait pas ce que les jours à venir lui réserveraient. Il avait vu la mer une seule fois, il y avait longtemps, au cours de colonies de vacances pour enfants nécessiteux et méritants. Premier de la classe : vacances gratuites. Une petite valise en carton vert olive, une chemise, un pantalon et quelques gâteaux faits maison. Des années après, il lui reste quelques vagues souvenirs de ce grand voyage, les vagues, un bout de plage à Salé, l’autre cité jumelle, de l’autre côté du fleuve. Enfant, jamais il n’avait compris comment deux villes peuvent être séparées, avec un fleuve et un océan en partage. Chez lui, une petite rivière coupe la ville en deux aussi, avant de disparaître sous les remparts puis de réapparaître, çà et là, sous des maisons séculaires. Est-ce qu’elle se déverse en ces multiples fontaines qui chantent sur les places et le long des ruelles de la vieille ville ? Enfant, jamais il ne saura où va la rivière, ni d’où elle vient. Son amont et son aval resteront un mystère....
Najib REFAÏF, La vie Eco, (Débats§Chroniques) 01/06/2007